Russie, du Baikal à l'Oussouri
C’est dans la capitale de la province de Bouriatie que nous descendons du train en provenance d’Ulan Bataar : Ulan Udé nous accueille par un temps bien pourri.
L’attraction principale de la ville est la grosse tète de Lénine sur la place centrale. Les statues de Lénine sont légion dans chaque ville de Russie, mais Ulan-Udé bat tous les records ! Non loin se cache aussi un Lénine doré !
La ville est assez hétéroclite, entre un centre-ville plutôt sympa, et le reste plus typiquement soviétique.
On file en bus vers le Baikal, le but de notre arrêt par ici. Un peu au hasard, nous allons à Ust Barguzin, sur la côte est du lac, à environ 5h de bus. Village russe typique, où tout est fait de bois.
Le bois, forcément, est donc énormément exploité. La Sibérie est vaste, mais un jour viendra où cela posera certainement des problèmes environnementaux… Quand on leur en parle, les Russes acquiescent, mais appliquent la politique de l’autruche…
Le lac n’est pas loin du village. Avec les vagues formées par le vent, on se croirait franchement en bord de mer.
On est surpris de trouver un couple de Mésangeais imitateurs si au sud. Les sous bois sont trop sombres par ce temps gris, pas évident pour les photos.
Le long de la rivière, une jolie Bargette du terek se laisse photographier, ainsi qu’un Bécasseau étrange. Il ressemble assez à un Bécasseau à longs doigts, assez fréquent dans le coin, mais les pattes sont noires, et la projection primaire longue. Avis bienvenus !
Nous partons en stop vers la péninsule de Sviatoy Nos, à une cinquantaine de km du village. Le ferry qui fait traverser la rivière est tracté par un petit bateau à moteur. La péninsule est très montagneuse, et seule une très petite partie en est accessible, à moins d’avoir vraiment beaucoup de temps devant soi…On y accède par un isthme bordé de marais.
Dans les bois, on tombe sur deux statues animistes en bord de route, devant lesquelles les gens déposent pièces et cigarettes, avec plus ou moins de conviction !
Mais en marchant dans la forêt, ce sont les champignons plus que les oiseaux qui nous ralentissent, tant il y en a à profusion ! Ca tombe bien, le seul magasin de la presqu’île est fermé tout le week-end !
Mais à peine arrivés au hameau de Katun, les habitants de la première maison nous font des signes et nous invitent à la rejoindre. Il s’agit d’habitants d’Ulan Udé, venus passer trois jours entre potes pour pêcher au bord du lac.
Ne vous arrêtez pas à l’apprence « militaire-prèt-à-aller-au-combat » : c’est la mode russe, ils portent tous ça !! Un peu comme les talons aiguilles de 15 cm pour les filles !
Comptant une quinzaine de maisons, il s’agit du second plus gros hameau de la péninsule. La petite baie est très mignonne, faisant face au continent.
Les Goélands de Mongolie sont attirés par les restes de poissons balancés par les pêcheurs
Nous sommes invités à manger, puis à boire, puis à dormir, presque bordés : il a fallu ramper jusqu’au lit, après 2 bouteilles de vodka !
Valéry, le doyen du groupe (71 ans ! La vodka, ça maintient !), est en pleine forme, et nous chante même quelques petites chansons, comme celle-ci :
Le lendemain, on repart péniblement à pied à travers la forêt, le long d’un petit sentier.
Ici, outre les Tamias de Sibérie peu farouches qui animent bien le sous-bois, le cortège d’oiseaux forestiers compte la Mésange boréale, le Pouillot à grands sourcils, le Gobemouche de la Taïga et le Cassenoix moucheté parmi les espèces les plus abondantes.
On y rencontre aussi un petit lézard, et le Morio (papillon) est fréquent
Les Russes sont les rois du camping, et la hache est leur meilleure amie ! C’est assez génial d’ailleurs de trouver à poser la tente au milieu d’un emplacement déjà aménagé, souvent dans les coins les plus sympas. On peut ainsi profiter d’une table, d’une bâche, parfois même de buches pour le feu !
Si l’on ajoute à cela l’eau du lac, certes fraiche, dans laquelle on peut se baigner, mais surtout, que l’on peut boire sans aucun souci, l’endroit est assez paradisiaque.
Le filet posé derrière la tente capture en plus une Locustelle tachetée (quelqu’un peut nous donner le statut de cette espèce sur la rive est du baikal ? Ca semble très à l’est), et une Locustelle de Pallas, cette dernière espèce étant assez fréquente dans les clairières humides.
Il nous faut songer à repartir. On essaye le stop, mais en 3 heures de marche, pas une seule voiture. Nous sommes « contraints »de rester une nuit de plus sur la presqu’ile.
On échoue au hameau de Monaxovo, sans aucune provision, et alors que nous lorgnions sur son potager, une dame nous invite à dévaliser ses framboisiers ! Cette femelle de Calliope attendra son tour !
On quitte la péninsule pour rejoindre le village de Maximikha, où l’on s’installe le long de la plage.
Le lendemain, pendant qu’Anne-Laure joue avec les enfants, Maxime fait joujou avec son filet, ce qui donne entre autres une Rousserolle à gros bec et un Pouillot brun !
Nous continuons à marcher vers la pointe sud de la baie, vers où l’on passe notre dernière nuit. En chemin, on rencontre de drôles d’oiseaux : le Pticunu du Baikal (une coche !)et le Rossignol bleu.
Dernier petit coup d’œil sur le lac, et ses nombreux Harles bièvres venus muer là, avant de repartir vers l’est…
Retour en stop en camion : cinq heures de trajet pour rallier les 230km nous séparant de Ulan Udé, sur une route cahoteuse…Le lendemain, nous nous trouvons dans le mythique Transsibérien pour deux jours et demi de voyage en « Koupé » (compartiment couchette fermé) avec Andréï, Svéta et …Nadia, un an et deux mois.
La petite a une bouille d’ange mais déjà un caractère bien trempé : pour la faire taire, il suffit de la gaver …
Coup du hasard : Max rencontre Thomas, avec qui il avait pris des cours de russe à l’inalco, à Clichy ! Il voyage pendant deux semaine avec Mathias, sur la ligne du Transsibérien.
Nous parvenons de nuit à Luchegorsk, sous une chaleur humide digne d’un pays subtropical, les moustiques y compris ! La petite ville ne nous enchante guère ; nous la quittons dès le matin, sous une pluie incessante.
Prochaine destination : Verkhniy Pereval, à 100km à l’est de Luchegorsk, dans la région du Primorski. Nous logeons dans le petit hôtel unique, point névralgique du village puisque s’y trouve aussi une boutique, la Poste et un accès internet !
Nous avons pour voisin un pic cendré, peu bruyant
Verkhniy Pereval est de loin le village le plus charmant qu’il nous ait été donné de visiter : les maisons de bois sont joliment peintes, et possèdent toutes un potager coloré et un jardin abondamment fleuri, jouissant du climat chaud et humide de l’été ! L’hiver, cependant, demeure extrêmement froid (-35°C) ici.
Notre séjour est aussi marqué par la rencontre de Youra et Liouba, adorable couple Russe qui nous dorlotent pendant trois jours.
Le village est bordé par la rivière Bikin, affluent de l'Oussouri, lui même affluent de l’Amour. La végétation qui l’entoure est une Taïga bien différente de celle du Baïkal : moins de pins et de bouleaux, plus de chênes, d’ormes, peupliers, quelque cèdres, et plus impénétrable et luxuriante. On imagine aisément croiser un Tigre en s’y promenant (mais on n’aura pas cette chance !). Le tableau de la Bikin, si large, aux rives si touffues, a des airs d’Amazone !
Yura est enchanté de nous emmener pécher, l’occasion pour nous d’utiliser enfin cette canne à pèche que l’on trimballe depuis 6 mois ! Les eaux de la Bikin sont si poissonneuses qu’on croirait pécher dans un bassin de pisciculture. Trente secondes suffisent pour faire mordre à l’hameçon !
Trop heureux de nous faire découvrir le coin, Yura nous emmène en ballade dans la Taiga. Le sentier, peu emprunté, nous recouvre bientôt de végétation et broussailles et l’on plonge dans l’univers décrit par Valdimir Arseniev dans son livre Dersou Ouzala.
En sous-bois, les Bruants roux et élégants s’envolent à mesure que l’on avance. Dans le village, ce sont les Bruants à joues marron et masqués qui sont plus nombreux.
Et parmi les rondes de Pouillots et de Mésanges, parmi lesquelles les jolies Mésanges à longue queue, on a la surprise de découvrir des dizaines de Zostérops à flancs marrons, signe que l’on approche de zones plus tropicales…
Autour des flaques s’écartent de notre passage de petits crapauds sautillants.
Yura est de ce genre d’homme ultra galant, qui jetterait sa veste sur une flaque d’eau pour qu’une femme ne se mouille pas les pieds : défense absolue de laisser Anne Laure ôter ses chaussures pour traverser les marais ! Max va rester en stage chez lui un petit moment… ;)
Nous quittons Verkhniy et notre charmant petit couple pour un autre petit village au bord de la Bikin : Krasny Yar. Trajet chaotique dans le bus bondé qui nous emmène sans siège pour quatre heures de piste sableuse.
Ici comme à Verkhniy et de nombreux autres villages, chaque habitant puise l’eau potable à l’aide de pompe et de puits.
Krasny Yar a été fondé par les Oudéhés (peuplade vivant dans la vallée de l’Oussouri), au début du 20e siècle. Avant la colonisation russe (fin 19e- début 20ème) les Oudéhés confectionnaient toujours leurs vêtements et chaussures en peau de poisson, extrêmement imperméable.
De nos jours, les habitants russes et descendants d’Oudéhés vivent toujours principalement de pèche et de chasse, et la zibeline en particulier est toujours traquée pour la beauté de sa fourrure…
La végétation est encore plus dense : inattendue cette petite jungle dans l’extrême-Est russe ! On y trouve nos premières Pies bleues, absentes à Verkhney Pereval, et des oiseaux plus inconnus de nous, tels que la Bouscarle de Swinhoé. Les eaux claires et fraiches de la rivière invitent à la baignade.
Nous campons dans le village, non loin de la berge de la Bikin, et la chance nous sourit une fois de plus, puisque nous logeons en face de la « maison des jeunes » : descendant oudéhé, Volodia laisse volontiers ses amis profiter de la maison de sa mère décédée l’an passé, et nous invite à y partager nos repas.
Nous faisons connaissance des copains : Locha et Sacha, avec qui nous partons pour un tour de barque sur la rivière !
Pendant la ballade se laissent admirer un jeune chevreuil peu farouche et des canards mandarins
La gentillesse avec laquelle on nous accueille dans la campagne russe fait voler en éclat bien des préjugés ! Pour nous éviter un long détour via Verkhniy Pereval et un départ à 6h du matin dans le bus chaotique en direction de Khabarovsk (300km plus au nord), Sacha nous accueille chez lui, à Youzni, nous nourrit, nous fait profiter de son sauna, et nous arrange un camion en partance pour Khabarovsk dès le lendemain !
Avant de nous séparer, Vadia et Sacha nous glissent même de l’argent, « histoire qu’on puisse payer notre bus une fois en ville ! » C’est bien la première fois que l’on nous donne de l’argent, on ne sait pas comment remercier nos hôtes…
Nous quittons la campagne pour la jolie ville de Khabarosvk, chef lieu de la région de l’Oussouri, au bord du fleuve Amour, avant de retrouver Véronique, pour continuer ensemble notre escapade plus à l’est ! Suite au prochain épisode ! ;)